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 La critique littéraire > Histoire littéraire > Revues littéraires belges


Présentation succinte des
revues littéraires belges
- Prétexte 10 -



Il serait difficile, voire impossible, de faire un état des lieux précis et historique des très nombreuses revues qui ont vu le jour en Belgique au cours de ce siècle. Outre les revues des années 30 où s'exprima, entre autres, le mouvement surréaliste, plus de trois cents revues de littérature virent le jour depuis 1940. Parmi elles, certaines ont eu une influence forte sur la création littéraire contemporaine ; d'autres, le plus grand nombre, ont disparu sans laisser de traces notables. Cependant, et s'il est bien sûr trop illusoire de tenter d'en faire un panorama sans risquer d'omettre tel ou tel nom, l'importance des revues se doit d'être signalée, surtout si l'on considère «l'impact qu'elles ont exercé sur la culture, notamment grâce à leur fonction de relais et de diffusion de la production littéraire locale et internationale. /.../ Ces revues ont joué un rôle décisif pour faire connaître les auteurs locaux, [ainsi qu'un] rôle supplétif indéniable /.../ par rapport à la faiblesse des maisons d'éditions en Belgique, faiblesse dont le résultat fut et reste que beaucoup d'auteurs cherchèrent et cherchent encore du côté de la France, ou de Paris, des lieux de publication disposés à recevoir leurs textes ainsi qu'une reconnaissance dans le monde littéraire francophone et international»**.

 L'activité revuiste en Belgique, stoppée durant la guerre, reprend de plus belle à partir de 1945, autour notamment de quelques revues de poésie qui, tout en ne connaissant le plus souvent que des livraisons restreintes - les exemples de numéro unique (La Terre n'est pas une vallée de larmes, Réponse, ou encore La Feuille chargée) ou d'éphémérité (de L'Invention collective (2 n°) en passant par Ciel Bleu (9 n°), Salut public (8 n°) ou les Deux Soeurs (3 n°)) sont nombreux - rassemblent un certain nombre d'auteurs qui marqueront durablement la littérature belge francophone. Pour n'en citer que quelques uns : Christian Dotremont, Marcel Mariën, René Magritte, Marcel Lecomte, ou encore Paul Nougé y participent, à côté d'auteurs français tels que Breton, Eluard, Char, Queneau ou Bonnefoy. Une revue se dégage alors de cet ensemble : Cobra, dont le premier numéro paraît en 1948. Animée, entre autres, par Christian Dotremont, elle aura, malgré sa briéveté (une dizaine de numéros) une réelle influence sur les expérimentations littéraires de cette période, réunissant des auteurs de nationalités différentes et, en ce qui concerne les belges, entre autres : Pol Bury, Pierre Alechinsky, Paul Colinet, et Hubert Juin.
 Dans les années 50-60, plusieurs revues d'obédience surréaliste voient le jour et eurent quant à elles, une plus grande durabilité. Les lèvres nues, fondée en 1954 par Marcel Mariën, parut jusqu'en 1958, puis, après une dizaine d'années de silence, de 1969 à 1975. Affirmant un surréalisme belge qui s'écartait du par trop doctrinaire André Breton, elle défendit, notamment, de nombreux écrits de Paul Nougé. Temps mêlés parut pendant près de vingt-cinq ans (150 numéros) et réunit des écritures très différentes les unes des autres. Elle permit de faire connaître ou mieux connaître en Belgique des artistes et des auteurs comme René Magritte, René Crevel, Raymond Queneau, Boris Vian ou Eugène Ionesco. La même année (1953), paraissait la revue Phantomas qui connut, après 163 numéros et 27 ans d'existence, une postérité tout aussi grande. Créée à l'initiative de Joseph Noiret, Marcel Havrenne et Théodore Koenig, Phantomas était à l'origine plus proche du mouvement dada que du surréalisme, et s'intéressait à tout ce qui touchait de près ou de loin au questionnement du langage. Ainsi, outre les belges André Miguel, Norge, François Jacqmin, ou Christian Dotremont, elle accueillit dans ses pages des textes d'auteurs aussi divers qu'importants, passant de Beckett, Barthes, Gotfried Ben, du Bouchet, ou Borges, à Cummings, ou encore Ezra Pound. D'autres revues de cette période s'inscrivirent elles aussi de manière durable dans le paysage littéraire belge et devinrent source de références. Parmi elles, Marginales, créée en 1945 et disparue en 1991 après plus de 200 livraisons, Fantasmagie (1959-1979), L'VII (fondée en 1959 par Alain Bosquet et dont la publication s'arrêtera après 34 numéros) qui édita notamment plusieurs textes inédits de Michaux et de nombreux auteurs internationaux (de Beckett, Pessoa, à Pasternak), ou encore Schismes (1963) chez qui l'on peut trouver, parmi les textes publiés, ceux de Jacques Sojcher et Pierre Mertens. Il faut signaler aussi que, parmi ces revues à grande longévité, Le Journal des poètes reprit forme après guerre et continue, aujourd'hui encore, de présenter un très grand nombre de poètes, tant en langue française qu'en traduction et à laquelle pourrait s'associer Le Courrier du Centre International d'études poétiques, fondé par Fernand Verhesen en 1955 et qui poursuit, par des essais et articles critiques, l'oeuvre de découverte et de redécouverte de tel ou tel poète.

 La fin des années 60 et les années 70-80 furent tout aussi fertiles en création revuiste. Ainsi : Asphalte, créée en 1967, qui regroupait des textes d'horizons très divers, notamment de Christian Hubin, Albert Ayguesparse, ou encore Jacques Izoard ; Amenophis (1969) où l'on retrouvait les signatures d'André Miguel, Jean-Pierre Verheggen ou Théodore Koening ; Donner à voir, et Odradek nées toutes deux en 1973, qui publièrent, entre autres, William Cliff, Eugène Savitzkaya, et Jacques Izoard ; Gradiva (1971), Luna Park (1974) ou encore Revue et corrigée (1977) où se trouvèrent réunis J.Sojcher, P.Mertens, W.Lambersy, W.Cliff, E.Savitzkaya, F.Jacqmin.
 Parmi les revues des années 80-90, plusieurs groupes peuvent se dégager : celles qui, créées dans les années 70, sont toujours en activité, comme c'est le cas pour Amenophis par exemple ; celles qui émanent de maisons d'édition ou sont rattachées à divers organismes telles que L'Arbre à Paroles (Maison de la poésie d'Amay), qui propose des numéros thématiques et comporte toujours un choix de textes et poèmes, Sources (Maison de la poésie de Namur), Le Carnet et les Instants (éditée par le service des Lettres de la Communauté Française), le Courrier du Centre International d'Études Poétiques à Bruxelles,  Mensuel 25 (éditée par L'Atelier de l'Agneau et déjà plus de 150 numéros parus), In'hui, (co-éditée par Le Cri et Jacques Darras, qui consacre ses numéros à l'étude d'un poète ou la présentation de plusieurs auteurs), Écritures (revue de l'Université de Liège en coédition avec Les Éperonniers) qui, deux fois l'an, engage éditeurs, universitaires, critiques et auteurs autour d'un thème de critique littéraire ; enfin, celles qui sont centrées sur un domaine littéraire précis, comme c'est le cas pour Alternatives Théâtrales, revue que l'on ne présente plus tant la qualité de ses dossiers sur le théâtre contemporain fait valeur de référence.

 Ce passage en revue est certes particulièrement restreint, mais il aura, j'espère, le mérite de situer quelques peu les diverses périodes de la vie littéraire belge.

Lionel Destremau

Notes

* Cette présentation se base, pour l'essentiel, sur l'ouvrage particulièrement bien documenté, de Paul Aron et Pierre-Yves Soucy, Les revues littéraires belges de langue française de 1880 à nos jours, paru en 1993 aux éditions Labor, Bruxelles.
** Voir l'ouvrage ibid, p. 49-50.

Voir aussi Réédition des revues surréalistes et Cobra

 

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