Giorgio Agamben | Barthelby ou la création Circé éd., 1995 (Prétexte 7) |
a pensée de Giorgio Agamben est inséparable d'un bonheur d'érudition. Son développement est ponctué de chambres de réflexion, "stanze", pour reprendre le titre de son premier ouvrage paru en France. Chacun de ces textes est une fenêtre ouverte, à partir d'une énigme présente, sur la tradition qui l'éclaire. Il nous restitue une mémoire vive, dans la concision des références et la luminosité des rapprochements. Il reconduit les proclamations "révolutionnaires" à leur juste mesure. La critique telle qu'il la définit n'innove qu'en se polarisant sur un point de tradition, qui devient ainsi un noeud d'incompréhension et de quête. «Comme toute quête authentique, la quête critique consiste, non point à trouver son objet, mais à assurer les conditions de son inaccessibilité.», lit-on dans Stanze. Or l'objet qu'il désigne depuis ce premier ouvrage est le lieu utopique d'une «expérience sans vérité». Ce lieu, indifférent aux conditions du devoir comme de la raison, il le définit comme l'espace irréductible de l'éthique, de l'esthétique et de la politique. Son interrogation conduit Agamben à se pencher aux sources de la métaphysique occidentale. Il s'agit pour lui de penser, après Aristote, l'être en puissance de telle manière qu'il ne prédétermine pas l'être en acte. Et c'est ici que s'insère le personnage du scribe de la nouvelle de Melville, Bartleby. En effet, le philosophe grec comparait l'intellect en puissance à la cire vierge d'une tablette à écrire. Aussi Bartleby, écrivain qui s'arrête d'écrire, lui-même vierge de toute inscription, est-il la figure exemplaire de la puissance pure. Ce petit livre, Bartleby ou la création, peut dès lors être lu comme une excellente introduction à ce nouvel espace d'expérience qu'ouvre la réflexion d'Agamben.
Stéphane Baquey Giorgio Agamben cf.notice de l'auteur
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