John Hawkes | Autobiographie d'un cheval Seuil, 1995 (Prétexte 7) |
e roman de Hawkes tient dans l'invention de la fiction d'une voix, celle d'un cheval. La convention se désigne dès lors comme telle, dans la parodie et l'ironie. Vieux Cheval raconte sa vie. Il est la figure d'un héroïsme déchu, celui du rêve du Grand Ouest américain ou de la vieille chevalerie européenne. Le romancier avait exploité la veine du roman d'aventure américain, dans Aventures dans le commerce de peaux en Alaska ; il opère ici un déplacement dans le temps et l'espace, Don Quichotte et peut-être la propre biographie de Cervantès constituant la matrice tant stylistique que thématique du roman : Cervantès-Vieux Cheval et le duo Maître-Ralph tenant lieu du duo Don Quichotte-Sancho ! Cette voix fictive permet le déploiement d'une narration virtuose dont la liberté et en même temps la rigueur d'utilisation des motifs sont, pour ainsi dire, musicales. Il faudrait décrire comment Hawkes tisse son roman, jusque dans les plus infimes détails, de thèmes que l'on retrouverait dans ses Ïuvres antérieures. La modernité du roman, outre l'ironie initiale, réside également dans les ambiguïtés et les distorsions qu'il introduit : le narrateur affable est par ailleurs un personnage qui conserve une animalité irréductible. Dans l'héroïsme est reconnu un morbide déni de la sexualité, tandis que l'écuyer affirme pour sa part qu'il est le maître véritable... Mais, en-deça de toutes ces variations, sourd, en diverses figures marquantes, qui sont autant de visions hallucinées, un imaginaire de la putréfaction et de la régénérescence : telle cette jument surgie de la terre humide ou ce bouc illuminé par la vermine qui le ronge. Aussi aurait-on tort de ne voir qu'un exercice de style dans cet éclatant mais inquiétant roman. Il y grouille un angoissant fourmillement.
Stéphane Baquey John Hawkes cf.notice de l'auteur
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