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 La critique littéraire > Notes de lecture: et > Pedro Tamen

Pier Vittorio Tondelli
Les nouveaux libertins
Seuil, 1988
(Prétexte 14/15)


n six saynettes indépendantes les unes des autres qui toutefois répondent à une même logique, Tondelli a imposé la force de son écriture à ses contemporains. Pour brosser le tableau de la jeunesse italienne des années soixante-dix, l'auteur a conçu ce premier livre sous les auspices de Genet et de Kerouac. La sexualité libre, la drogue, l'alcool, le vagabondage, le dilettantisme, constituent la toile de fond des Nouveaux libertins. En cela, Tondelli affiche une subversion qui tranchait à l'époque avec la production courante, mais surtout revendique une authenticité de faits et de discours. Chaque récit est l'expérience corporelle d'un heurt entre le désir et le refoulement ; les ambitions les plus vives - assumer pleinement sa sexualité, refuser les compromis bourgeois, être autonome - sont ainsi constamment réprimées par une tendance à l'aboulie et à l'auto-destruction. Se faisant le témoin de cette jeunesse à mi-chemin entre l'enfance et l'âge adulte, Tondelli transcrit toute l'ambiguïté propre à cette période faite de joies éphémères et d'amertume : «/Ö/ maintenant c'est la nuit, mais on distingue encore la cime du Cusna, et le Ventasso, et le Cavalbianco, qu'enfant je parcourais en tous sens parce que j'aimais tant la montagne, c'était surtout cette chétive liberté qui me semblait grande plus grande que je n'en pouvais concevoir. Mais nous, c'est seulement les collines qu'on a, tout autour, et, dans le noir, on les croirait intactes /.../.» Pour conjurer l'inexorable avancée vers un monde codé, où les illusions sont éreintées, le recours aux expédients les plus divers s'envisage comme seule solution durable. Il n'y a pas de morale ici, simplement un discours qui se veut brutal, et qui dans cette brutalité cherche à imposer sa poésie. Toute l'originalité de Tondelli consiste de ce fait à traduire ces affres, ces intermittences ou ces bonheurs par une écriture qui puise sa vitalité dans le langage quotidien. Fondant sa poétique sur différents niveaux de langue - argotique, familier, mais également lyrique -, l'auteur nous place d'emblée à l'intérieur de la conscience de ses narrateurs (l'ensemble est écrit à la première personne). Chaque pensée produit un monologue où les associations psychiques, poétiques, tiennent la plus grande place : «Des jours, ça fait maintenant, qu'il pleut et il fait froid et la bourrasque glacée réduit les nuits aux tables du Buffet de la gare, lumière crade et livide, néons moisis, odeur de rails, poussière jaune rougeâtre qui se dépose lente sur les vitres et sur les tabourets que nous on respire lourd d'ennui /Ö/.» Exposés à la dure loi des nuits, les individus des Nouveaux libertins ont comme seule arme leur syntaxe spontanée et anarchique. Ils apprennent ainsi à habiter un monde hostile, dont ils sont partie prenante, en véritables poètes.

Jean-Christophe Millois

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