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 La critique littéraire > Notes de lecture: fr > Michel Butel

Michel Butel
L'autre livre
éditions le Passant, 1998
(Prétexte 16)


    a forme brève pourrait être la forme élective de ceux qui cherchent à préserver, dans sa fulgurance, un état de grâce. Aussi Michel Butel a-t-il délaissé le roman (L'Autre Amour, La Figurante) pour un «certain genre, qui est vraiment [son] genre» : L'Autre Livre se découpe en quatorze sections, comprenant elles-mêmes de nombreux textes, et dont les titres abolissent toute équivoque : «Autobiographie», «Pamphlet», «Stèles», «Nouvelles», «Politique», «Poèmes», etc. Des textes courts qui semblent suivre le cours hasardeux des humeurs et des désirs, à l'image d'un journal intime. Mais à l'image seulement : l'organisation de l'ouvrage trahit la nature profondément concertée du projet, lequel, sous un apparent désordre, est soumis à une règle générale qui consiste à dire l'essentiel en très peu de mots. Pas de notations superflues donc, chaque texte renvoyant à une appréhension du monde. Celle de Michel Butel est multiple comme la vie, contradictoire, parfois discutable. Deux constantes la balisent toutefois. C'est d'abord un esprit de sédition - qu'engendre cette impression d'être floué par certains êtres, par la vie elle-même -  qui engage l'auteur à livrer bataille contre le cynisme ambiant et contre la fatalité. Les chapitres «Pamphlet» («Mitterrand et moi» : «Mes ennemis, en secret, je les aime. Ses amis, en secret, il les haïssait») ou «Politique» ne ménagent pas leurs cibles ; «Autobiographie», «Nouvelles», ou «Contes», d'autre part, sont d'admirables suites de tragédies miniatures. C'est également une humanité - un humanisme peut-être - que suscite une croyance profonde dans les êtres. Il y a dans L'Autre Livre une tonalité particulière, une chaleur et une fausse désinvolture qui occultent dans un premier temps la puissance de vérité du texte. Tout baigne dans une simplicité déconcertante et merveilleuse, en raison d'un style apparemment oral, qui sait se faire intensément lyrique avec un minimum de procédés : «Ce qui a eu lieu s'est dissous : plus tard ce qui a eu lieu et qui s'est dissous, une fois encore, sera recomposé, sera de nouveau masse dure, tragédie. Cela sera dit. Cela sera parlé. Puisque toute chose qui a eu lieu doit être dite, doit être parlée». Dans ces conditions, L'Autre Livre a quelque chose à voir avec la vraie vie, c'est-à-dire qu'il peut porter l'illusion réaliste jusqu'à la perfection. Lire Michel Butel à cet égard, c'est suivre le cours sinueux de l'existence au point de dépasser les limites de la littérature, les limites du livre. C'est, pour paraphraser Deleuze, accompagner l'auteur dans une ligne de fuite, c'est devenir autre chose.

    Jean-Christophe Millois


    Michel Butel cf.notice de l'auteur

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