Alain Gagnol | m'sieur Gallimard, Série noire, 1995 (Prétexte 12) |
uatre tueurs, Victor la brute, Francis le chef, Louis le faible et M'sieur, jeune recrue que l'on surnomme ainsi en raison de la considération qu'il témoigne à ses supérieurs, ont froidement abattu un policier. Or sa femme qui a été témoin du crime a eu le temps de s'enfuir. Les trois anciens chargent M'sieur de la retrouver. Agité par les scrupules et la peur, il s'acquitte laborieusement de cette mission, prend la femme en otage qui profite de l'embarras de M'sieur pour lui enfoncer un tesson de bouteille dans le ventre. Alain Gagnol nous offre un premier roman original, dont l'atmosphère à la fois très pesante et très drôle, en ce sens déconcertante, parvient réellement à faire oublier le minimalisme étudié de l'intrigue. Les situations habituelles du polar, comme l'attente, le guêt, la poursuite, deviennent incongrues du fait de leur prolongement inhabituel, des explications scrupuleuses qu'elles suscitent chez le narrateur, et d'enchaînements défiant toute logique. On a le sentiment que Gagnol s'attache au genre et le respecte fondamentalement, or ici comme ailleurs, l'ère du soupçon a légiféré autrement les rapports du narrateur à la page. Les référents ne sont ni tout à fait subvertis ni tout à fait reproduits selon une gamme préétablie : on nage à proprement parler en eau trouble. M'sieur est un texte qui, tout en marquant fortement sa filiation avec le polar, met en doute les grosses machines littéraires pour leur préférer l'épure, les ellipses et la sobriété.
Jean-Christophe Millois Alain Gagnol cf.notice de l'auteur
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