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 La critique littéraire > Notes de lecture: fr > Christian Hubin

Christian Hubin
Maintenant
José corti, 1999
(Prétexte 21/22)


    eut-être faut-il délivrer l'adverbe "maintenant" de son sens temporel pour aborder le dernier recueil de Christian Hubin. Il semble en effet que le présent, à la fois présence au monde et présence du monde, ne soit déjà plus dès que surgit le temps, c'est-à-dire dès que quelque chose advient. La présence est à l'opposé de la durée, c'est pourquoi le poète qui tente de l'exprimer ne peut y demeurer et se trouve condamné à une quête de l'instant du surgissement des phénomènes, quête d'autant plus difficile que la langue est impropre à dire ce qui n'est que vibration, infime mouvement, tant elle aspire à la continuité. C'est donc en pratiquant l'ellipse et la cassure que Christian Hubin approche cet instant de surgissement de "ce qui est", instant que, contrairement à l'étymologie de "maintenant", on ne saurait tenir en main. Car le "maintenant" est ce qui toujours précède sa propre saisie, ce qui disparaît dès que l'on croit s'en emparer. L'observation des phénomènes devra conduire le poète à cet instant aussitôt aboli qu'il s'agit de préserver dans sa nature même, c'est-à-dire dans son évanescence, grâce à l'écriture poétique : «Et / ce qui // dans chaque son, // d'avant lui // persiste.» C'est précisément ce qui dans le sensible de son point zéro se maintient qu'il convient de retenir malgré son caractère fondamentalement disparaissant. On remarquera que, outre le "Comme" qui commence de nombreux poèmes, suggérant peut-être qu'aucune formulation n'est véritablement adéquate, un "Et" initial, fonctionnant un peu comme un rappel, semble signaler ici qu'il faut compter avec ce qui précède le phénomène, c'est-à-dire avec ce sans quoi il ne serait pas. Le poète tentera ainsi d'appréhender ce qui se situe en amont de ce qui est, le début de ses poèmes souvent marqué par "Et", "Où", "Comme" renvoyant à cet insaisissable du surgissement que le recueil tente de faire advenir au langage avec l'étonnement qu'il suscite. Notons qu'il ne s'agit pas tant d'assister au jaillissement du phénomène que de l'éprouver, voire de s'éprouver soi-même comme participant de ce mouvement, de cette "respiration" du monde, ce qui nécessite sans doute ce que Christian Hubin appelle un "déplacement de conscience". Mais la langue peut-elle s'accorder à une telle expérience ? Il semble que ce soit par éclairs, voire par "hoquets" ó image récurrente dans le recueil ó, grâce à la discontinuité et à une subtile polyphonie qui concilie vers et prose, que le texte poétique puisse coïncider avec une perception immédiate des phénomènes, perception qui rejette la durée afin de maintenir intact le scintillement, la vibration du phénomène et l'étonnement que suscite son apparition. C'est à partager cet étonnement que nous convie Christian Hubin pour une plus grande présence au monde dont sa poésie nous délivre la résonance.
    L'on relira également avec profit du même auteur Personne précédé de Le Point radiant réédités chez Corti.

    Chantal Colomb


    Christian Hubin cf.notice de l'auteur

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