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 La critique littéraire > Notes de lecture: fr > Bernard Noël

Bernard Noël
La Maladie de la chair
Ombres, 1994
(Prétexte 5/6)


    «...Vous évitez ma parole tout en multipliant les tentations capables de briser mon silence». Le récit que nous donne à lire Bernard Noël, telle cette phrase liminaire, se bâtit tout entier sur cette parole obscure : langue de chair, terriblement concise et belle, où l'horreur parvient à vous effleurer comme une caresse, sourdre lentement de l'écriture et pénétrer la lecture. Parole qui, tour à tour, désigne, s'interroge, avoue, fait le jeu du dialogue entre passé et présent où prend place la chair malade, absente, d'un père paralytique dont le narrateur confie ici ses obsessions. Objet humain plus qu'homme peut-être, il en retrace l'état de décrépitude avec une minutie savante, amoureuse même, et marque la perversion qui naquit en retour chez l'enfant qu'il était et qui passa son adolescence auprès de ce qu'il nomme : "l'infirme".
    Entre ces deux hommes -le déchet humain et le fils contemplant les yeux blancs, sentant l'haleine fétide du père- deux femmes viendront alourdir ou soulager le poids de la confession : la mère d'une part, survivant à son calvaire quotidien en ravalant chaque jour sa haine et son mépris, hourdissant quelque obscur désir de mort, et d'autre part, la compagne des jeux pervers du narrateur, interlocutrice muette à qui ce récit s'adresse, tout à la fois patiente, captivée par ces mots, et crispée par la honte et l'horreur de ces révélations : «Vous avez cru que je vous parlais pour procéder à ma propre libération : je ne vous ai parlé que pour m'abandonner enfin à la décomposition mentale et ressembler ainsi à mon créateur». La force de ce récit fait peut-être de lui l'un des plus beaux qu'ait écrit Noël, et je ne saurais que trop engager le lecteur à le lire au plus tôt.

    Lionel Destremau


    Bernard Noël cf.notice de l'auteur

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