Descriptif
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L’œuvre de Jean-Louis Giovannoni peut sans doute aujourd’hui se lire selon deux axes, intimiment liés l’un à l’autre, avec d’une part une écriture poétique, débutée avec Garder le mort en 1979 (puis notamment, L’Invention de l’espace, Pas japonais, Chambre intérieure, etc.), et d’autre part des ouvrages de prose, mêlant ce que l’auteur nomme des « romans intérieurs » (Journal d’un veau, Le Lai du solitaire, Léo Scheer, 2005) à des textes hybrides, réflexifs, mordants et débridés tel que Le Traité de la toile cirée (Devillez, 1998).
S’agissant de la poésie, elle s’est inscrite dès le début dans une écriture où le corps, la chair inspectée jusque dans ses plus obscurs recoins, humaine et animale, cela qui nous projette « au milieu de la viande » (L’Election) trouvent toute sa mesure et sa démesure. Habiter ce corps, en faire l’expérience, s’y heurter à l’absence, au sentiment de la finitude, à l’enfermement, et tenter d’en sortir, voilà ce qui s’est joué au cœur d’une voix qui a évolué, de livre en livre, se teintant d’humour caustique et d’ironie, se cherchant des décalages, des espaces à explorer, des territoires à franchir… La poésie fragmentaire, blanche et économe des débuts, s’est transformée, faisant le pont avec la prose et sa différence de rythme, ouvrant à de nouveaux registres de discours, et se détachant désormais de certains fantasmes poétiques pour faire une nouvelle entrée dans la langue. Une langue « charnue et audacieuse » (écrit A. Bertina) que Danse dedans donne justement à lire. Ce livre vient effectivement marquer le parcours poétique de Jean-Louis Giovannoni, en cela qu’il traduit une profonde remise en perspective de son écriture. Ici, la phrase réflexive et développée se raréfie, se réduit à des vocables incisifs, des vers brefs qui jouent cependant sur les liaisons syntaxiques et rythmiques. Le poids des blancs sur la page se modifie, jouant bien plus sur des pauses « vocales » que sur des arrêts de lecture silencieuse. De fait, la poésie de Giovannoni trouve ainsi une nouvelle tonalité, un rythme plus tourbillonnant, qui s’accorde avec un propos où une violence sourde se mêle à une véritable jubilation d’une langue que l’on « entend », que l’on ressent comme véritablement « mise en bouche ». Si la cohérence de l’œuvre est maintenue, en cela que Giovannoni poursuit son exploration du corps et de l’intériorité (ici, notamment, la chimie des fluides corporels de toute nature, la naissance et le rapport au corps maternel, etc.) et maintient le registre poétique dans lequel il s’est inscrit dès l’origine de son écriture, le temps passé depuis sa dernière publication de poésie (Greffe, en 1998), et le travail sur la prose (Le Lai du solitaire), influencent nettement cette variation d’une écriture de poésie qui « lâche ses coups », se laisse emportée désormais dans un débit verbal et lexical, un flux de langue comme malaxée au sein d’une expérience physique quasi-archaïque et d’une force incroyable : « se retournant / toujours / dehors // partout / clos / sans bouche / possible / ni plaie // cherchant / la pénétration ».
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L ’auteur :
Jean-Louis Giovannoni est né en 1950. Il réside à Paris où il est assistant social dans un hôpital psychiatrique. Il a fondé, en 1977, la revue Les Cahiers du Double, avec Raphaëlle Georges.
Il est l’auteur de nombreux livres de poésie (notamment Garder le mort, Ce lieu que les pierres regardent,Pas japonais, L’invention de l’espace, Chambre intérieure, L’Élection, etc.), de proses (Traité de la toile cirée) et de deux « romans intérieurs », Le Journal d’un veau (Deyrolle, 1996, rééd. Léo Scheer, 2005) et Le Lai du solitaire (Léo Scheer, 2005).
4° de couverture :
« timide essai
du troisième pas
impossible
pris
l’os dehors
les pierres dedans
bougeant
aux pieds
sans moi »